Le vent souffle en furie du fin fond de l’Atlantique, nous
sommes dans le carré, vautrés sur les coussins,
dégustant un bon bourgogne après notre premier vrai repas depuis 40 heures…Keikiwai
se prélasse frottant ses pare-battage avec contentement contre un quai, baigné
par une eau enfin calme.
Atmosphère irréelle….Le hululement du vent dans les haubans, les gifles de la
pluie sur le pont, le claquement des drisses contre les mâts des bateaux qui
nous entourent, la musique irlandaise coulant doucement dans la chaleur de
notre cocon rassurant, nous repensons à la longue traversée de 40 heures, heureusement
au portant d’abord de sud- est pour finir au sud-ouest, dans une mer hachée par
les courants luttant contre le vent. 6 heures avec le courant, mer agitée, nous
avancions parfois à 9 nœuds .avec 2 ris dans la grand voile, 6 heures après, coup de frein !!! Le
courant s’inversant nous nous « trainions » dans une mer anarchique
décidée à nous faire payer notre entêtement à vouloir lutter contre les
éléments. Et nous avions beau régler les voiles au mieux, changer de cap pour
essayer de « prendre » les vagues de manière plus confortable, rien à
faire nous n’étions plus qu’une toute petite chose ballotée dans tous les sens,
transformée en punching-ball par Neptune !!! Épuisant !!!
Le bateau partait au lof ou s’essayait au surf … Keikiwai ne
se sentait plus par moment !!! « Je veux surfer une fois dans ma vie
de bateau », qu’il nous
disait !!! Du calme mon bonhomme !!! Ce genre d’exercice est réservé
aux jeunes navires modernes !!! Tu
risquerais de te vautrer lamentablement et te casser quelque chose !
Le premier à le calmer c’est l’équipier de choc, le barreur
exemplaire, celui qui inlassablement remet le Keikiwai sur son cap, j’ai nommé
POPOL le pilote automatique. Quelquefois
il émettait une petite réserve sous forme d’un grincement quand Keikiwai tentait
de s’opposer à sa volonté. De suite la
rébellion était écrasée dans une gerbe d’écume et nous appréciions la
performance : « Il est bien ce POPOL ! Bon gars !».
La mer d’Irlande a tenu ses promesses et sa
réputation !!!
En partant de Penzances nous savions que nous aurions de
« l’air », mais il fallait que nous avancions, obligations obligent.
Eh oui même les retraités en ont !!! La
mère Théo avait ouvert une petite « fenêtre », mais a commencé à la fermer quelques heures après
notre départ. Imprévisible comme d’habitude.. .
Entre 25 et 40 nœuds dans les grains nous avons, petit à
petit, roulis roulant, couvert les 200
miles qui nous séparaient de notre destination : l’Irlande.
Pas faim, envie de rien d’autre que d’arriver, passant du
cockpit à notre couchette, de la veille au sommeil, sans rêve… Un mars et ça
repart !!! Heureusement qu’il y a ça et les fruits !! Impossible de
faire à manger, ni de faire chauffer un truc chaud. On appelle ça la
plaisance !!!
Mais si vous saviez comme c’est bon quand ça
s’arrête !!! C’est pour ça qu’on recommence dès que l’on peut, et qu’on en
redemande ! Et puis quoiqu’on dise la mer en colère c’est un spectacle magnifique,
Le gros du coup de vent passe en ce moment et nous trinquons
à sa santé, ayant une pensée pour ceux qui l’affrontent…
En arrivant la manille qui retient le palan d’écoute de
grand voile a lâché…Heureusement nous affalions… Voilà ce que peut faire le
vent…
Tordre une manille forgée en inox de 12mm…
Morphée nous appelle et irrésistiblement. Nous nous sentons
attiré vers ses bras accueillants et moelleux… nous ne résistons plus… see you
later friends…