Quand on remonte à Stornoway on arrive forcément à…
Stornoway !!!
La mer plate comme un tapis, depuis Scalpay, keikiwai
remontait au moteur, faute de vent, et son pote préféré s’occupait comme il
pouvait car naviguer au moteur c’est un tantinet monotone…
Et en inspectant les fonds il vit qu’il y avait de l’eau…
Diantre !!! D’ où vient elle ?
Tel Sherlock Holmes à la poursuite d’un criminel, je suivis
la piste de l’eau qui coule… Et j’arrivais à la sortie d’échappement de l’eau
de refroidissement moteur… Le tuyau semblait percé… Un tout petit trou, mais qui,
au goutte à goutte, faisait que les fonds étaient toujours humides…
Pas grave me dis je, quoi que…Je verrai ça en arrivant…
Arrivée à Stornoway, un gars saute d’un grand bateau jaune
(un damien 2) et cours attraper mes aussières sur le ponton ou je garais le
Keikiwai. Un Français !!!
-
un petit coup de coteau du Layon ?
-
volontiers !!!
Présentation, Bruno, Gérald et la conversation s’engagea… Et
il retourna sur son canote ou l’attendaient ses copains pour déjeuner. Je fis
de même en pensant à ma fuite…
Comme d‘habitude, quand il y a un ennui sur un bateau c’est
dans un endroit inaccessible, ou il faut être contorsionniste pour y accéder…
Là se fût le cas, avec en plus les tuyaux du chauffage, les fils électriques
etc…
Je réussis tant bien
que mal à trouver une position de travail à peu près confortable, et je
commençais à tirer le tuyau pour voir ce qu’il avait et le soigner,… Je tire,
rien… Je retire et ça vient !!! Ouais !!!! Mais, en regardant mieux,
je vis que le piquage (tube en acier sur
lequel on emmanche le tuyau) était dans
le tuyau et que je ne pourrai pas remettre le tuyau !!!! Le tuyau était
pourri par la rouille… Aië aïe… CATASTROPHE, car si je ne peux réparer je ne
peux plus me servir du moteur… Ici naviguer sans moteur, c’est inenvisageable… Sans compter que le trou d’évacuation est juste
à ras de l’eau, en cas de gite la mer se ferait un plaisir de saler l’intérieur
du canote…
Souder un tube là ou c’est situé, pas possible car pas de
place… Restait une solution : trouver un passe coque du diamètre voulu… et peut être
que…
La dessus, arrive l’équipage du bateau jaune, qui m’invite à venir
boire un verre au pub, je déclinais l’invitation (oui, il m’arrive de refuser
une bière au pub !!!) en leur
expliquant ce qui m’arrivait…
-
On peut voir ? demande Sébastien, le skipper
-
Fait donc..
Il regarde un moment, ressort du trou à rat, et me
dit :
-
Je reviens. As tu de l’outillage ?
-
Oui mais pas de poste à souder
-
Pas la peine on ne peut souder, il faut, soit
percer au dessus et mettre un passe coque, soit fabriquer une pièce en inox et
la boulonner à travers la coque… Je vais chercher mon ordi. Ensuite prendre
quelques côtes et faire le plan de la pièce… Pendant ce temps là, essaye de
trouver un passe coque… mais je doute que tu trouves cela ici…
-
Ok. j’y vais…
Et bien sur pas moyen de trouver, même chez les pêcheurs, un
passe coque de la bonne taille…
Je revins donc au bateau le moral dans les chaussettes…
Là les choses avaient avancé, le plan sur l’ordi presque
finalisé en 3D…
Tout ce qui gênait dans le trou à rat avait été dégagé,
tuyau de chauffage ou rangé (fils
électriques)… Deux heures après tout était finalisé, le plan, l’outillage
nécessaire pour tronçonner et meuler le restant du tube, l’ouvrier ce serait
Bruno, le chef de chantier Sébastien… et moi…je ferai l’arpète !!! Le troisième équipier ferait ce qu’il y a à
faire sur leur bateau…
Restait à trouver un artisan pour fabriquer cette pièce… En
demandant au shipchandler à qui j’avais demandé un passe coque éléphantesque, il
nous (ils avaient tenu à m’accompagner) envoya à l’autre bout de Stornoway dans
la zone industrielle. Après une demie heure de marche, sous la pluie et le vent
du nord-est qui nous réfrigérait, nous arrivâmes, trempés comme des souches,
dans un atelier de mécanique de haute
technologie… Le patron, un homme plein d’humour, regarda, commenta, entra les
données sur son ordi, vérifia tout, demanda des tas de précisions, et nous
demanda au final pour quand il fallait cette pièce…
-
Le plus tôt possible car nous partons pour
l’Islande dès que la dépression actuelle sera passée, répondit Sébastien…
-
Demain 14 h, cela vous convient il ?
-
Parfait…
On croit rêver !!!
Et nous repartîmes au bateau, en nous arrêtant au Carrefour
(ici c’est Tescoo) du coin pour acheter de quoi se faire une super
bouffe !!! Je leur devais bien ça ! Gigot d’agneau à la tapenade,
haricots vert, Fromage Français, fruits et pour arroser cela un petit
bordeaux !!!! Ce fût l’occasion de savoir qui était ces gens d’une autre
planète !!! Car enfin des gens qui prennent en main les ennuis d’un gars
qu’ils n’ont jamais vu ni d’Eve ni d’Adam, comme ça, naturellement, sans rien demander,
je croyais qu’il n’en n’existait plus !!
Cette entraide maritime, que je croyais disparue à jamais avec
l’évolution de l’individualisme forcené de notre époque, existait toujours au
travers de l’équipage d’un bateau : la V’limeuse…
Le lendemain, pendant que j’allais récupérer la pièce à
l’atelier,
Bruno s’attaqua au tronçonnage du restant du piquage, meula comme un
forcené une bonne partie de la journée, Sébastien me donna de la peinture
(époxy brai) que Bruno tartina sur la partie meulée et… tout le monde à la
douche !!! Bruno ressemblait à un charbonnier tellement il était noir de
suie de meulage… Et je ne vous parle pas de l’état du Keikiwai… Suie à laver à
l’éponge, éponge jetée… Essuyer, chiffon noir de jais…irrécupérable…
La place était prête pour la pose de la pièce…
Le soir nous dinâmes sur la V’limeuse et c’est comme cela
que j’appris que Sébastien était le p’tit gars qui le premier avait passé le
Cap Horn sur un catamaran de sport avec un équipier, que non content de cela
qu’il construisit,
« Babouche », un cata de 6m 50, en composite, qui pouvait
aussi bien aller sur l’eau que sur la glace en adaptant des skis. Avec Babouche
il a juste (!) rallier Anchorage au pôle géographique, toujours avec un
équipier, mais sans moteur… Ce que l’on appelle le passage du nord- ouest…
La V’limeuse, bateau mythique au Canada, lui est prêté par les
propriétaires pour passer le prochain hiver, avec sa femme et sa fille, au nord
du Groenland…
J’ai rarement rencontré un tel personnage. Plein de gaité,
il est d’une humilité totale, il vit sa vie comme vous et moi, se fichant du
quart comme du tiers des contingences terrestres… Si tout le monde pouvait lui
ressembler, les guerres n’existeraient sans doute plus.
Bruno est du même acabit. Ce charpentier, un peu plus jeune
que moi, Parisien émigré au Larzac est
lui aussi un être à part. Il navigue depuis peu avec Sébastien qui lui apprend la
mer, qu’il découvre avec émerveillement...
Simon le troisième larron, Belge, Plus réservé, la
trentaine, rêve de construire un bateau et de partir voguer sur les flots bleus
le restant de sa vie.
au fond Sébastien, au centre Simon, et devant Bruno. Sébastien venait de récupérer l'appareil photo de Bruno, en plongeant dans une eau à 10°… |
Le lendemain, nous posâmes la pièce sur la coque sans problème…
et… nous nous sommes dit au revoir…
-
Si tu veux viens avec nous jusqu’en Islande. Tu
reviendras en avion…
-
Non les gars, merci…merci pour tout…
Vous me croirez ou
pas, quand la dernière aussière fût larguée, mon cœur se serra, les larmes me
vinrent aux yeux et… je pleurais…
La solitude me cerna, je retournais sur le Keikiwai pour
remettre les tuyaux en place, Je fis les essais pour voir si ça ne fuyait pas, et
j’appelais sur Skype ma tendre et douce pour lui raconter tout ça, et lui dire
que je l’aimais.
Ensuite j’allais
acheter une bouteille de Whisky à laquelle je fis un peu de mal…
Une très belle rencontre, peut être la dernière, dans ce
monde de fous… Un rayon de soleil beaucoup plus fort que ceux que nous envoie
l’astre d’or, une lueur d’espoir en l’être humain… Merci les gars et bon vent …
Pour info ils sont partis pour l’Islande il était prévu 40
nœuds pendant 24 h puis 25 à 35 le reste du temps… Il y a 5 jours de mer…
J’attends avec impatience le sms qu’ils doivent m’envoyer en arrivant… Histoire
de me rassurer… Mais ce sont des pros et Sébastien à une étoile au dessus de
lui (déjà quelques chavirages, et quelques passage à l’eau imprévus).
Je reste quelques jours à Stornoway et j’amorce la descente
vers le Caledonian Canal…
À bientôt
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